Bronzette, Plongeon et Rencontre [LIBRE]

Je reste bien cachée, il approche, juste encore un peu et… aller viens par là… maintenant !

Je saute hors de ma cachette et hurle sur les trois petits dragons qui s’aventuraient ici, ils s’enfuient en courant, je ris de ma petite blague. Mais pas longtemps… Car maintenant j’ai toute la bande sur le dos. C’est moi qui me sens toute petite face au surnombre évident qui me fait face. Très vite, je me mets à courir, rendant petit à petit mes écailles plus sombres, jusqu’à ce que mon corps sont noir avec des taches vertes. Après un très long moment de course poursuite, ils finissent par abandonner et par me laisser en paix. Essoufflée, je reprends mes couleurs et marche doucement pour ne pas être statique dans la forêt. Je trouve un petit lac ou je me désaltère et me pêche un très beau poisson au gout gras mais délicieux. Après m’être remise de mes émotions, je pars en direction de la falaise qui fait face à la vaste étendue d’eau.

Je sors de ma forêt et descend le long de la façade rocheuse afin d’arriver pattes sur sable. Il est chaud, doux, et la plage est déserte. Même l’eau semble calme ici… parfait ! Je marche tranquillement à la recherche d’une place au soleil pour me réchauffer, je ne prends même pas la peine de changer la couleur de mes écailles il n’y a pas de danger ici, prenant mon temps pour choisir le meilleur endroit.

Pas sous cet arc de pierre, le soleil n’y passe pas assez. Pas trop près de l’eau, des vagues pourraient gêner ma relaxation. Mais pas trop loin non plus, pour leur bruit me berce. C’est difficile de trouver quand on cherche l’endroit parfait pour une sieste sous le soleil de l’après-midi qui débute à peine. Enfin mon regard se pose sur l’endroit des rêves de tout bon amateur de sieste qui se respecte ! Une pierre plate et longue, sur le bord de mer, chauffée préalablement par le soleil qui a frappé dessus des heures durant. Je lâche un petit ronronnement reptilien, me reprends, et cours m’y installer. Que c’est chaud et lisse ! Je m’y prélasse, frotte mon ventre écailleux sur la pierre chaude et m’allonge confortablement dessus. Un dernier petit étirement et je suis bien installée… si bien installée… Je ferme les yeux et ne bouge plus, laissant les va-et-vient des vagues me chanter leur berceuse. Bientôt je m’endormirai et dans quelques heures je me réveillerai en pleine forme et détendue.

Keelan avait passé la nuit dehors. La veille au soir, la jeune fille avait relevé chacun de ses pièges, ramassant deux lapins pris dans les dents de fer du mécanisme. Sur la dizaine qu'elle surveillait régulièrement, c'était ridiculement peu. Alors qu'elle remettait en place un piège qui s'était déclenché dans le vide, le dernier de la série qu'elle devait vérifier, la viking avait senti quelque chose faire un looping de sa ceinture.

Le temps qu'elle se retourne, un Souffle Fumimortel se trouvait à ses talons, et avait réussi à détacher un lapin de la boucle de son sac. Et bien sûr, s'était mis à courir dès qu'il avait remarqué qu'il s'était fait surprendre.

Trop bornée pour abandonner sa proie au petit maraudeur, et surtout parce que ces lapins étaient ses futurs repas, Keelan s'était lancée à sa poursuite. Dans cette partie des sous bois, le sol était bien aéré et particulièrement bien praticable, seule de la mousse recouvrait un sol dépourvu de broussailles, de fougères, ou de ronces en tout genre. Aussi, talonner le petit dragon gris n'était pas si difficile, puisqu'elle le gardait sans arrêt en visuel.

Sauf que, la jeune fille ne vit pas le temps passer, ni même les kilomètres, et ne réalisa son imprudence que lorsqu'elle sorti de l'autre côté de la forêt, l'ayant complètement traversé. Et comme la nuit tombait déjà, elle ne chercha pas à faire demi tour, surtout que le Fumimortel lui avait glissé entre les doigts. Allumant un feu pour consommer son dernier lapin, elle avait établi un campement d’infortune près du littoral.

Le lendemain, après avoir passé la matinée à pêcher, elle s'était mise sur la plage pour préparer quelques poissons qu'elle voulait se faire rôtir avant de rentrer chez elle, le reste de son lapin de la veille réchauffant déjà sur la broche. Assise sur un rocher, Keelan était trop occupée à vider les entrailles des petites bêtes sur la berge pour s’apercevoir qu'un dragon avait lui aussi décidé de passer un peu de temps sur la plage...

Que c’est doux, je somnole, l’emprise du sommeil posant ses vents sur moi. Alors que mes oreilles sont attentivement aux vagues, une odeur me sort de ma semi torpeur. Du sang. Je redresse la tête, reprenant un peu mes esprit et regarde les alentours, écoute le son ambiant. Pas de cris d’animal blessé, c’est donc peut-être une carcasse. Mais qui dit carcasse dit souvent prédateur. Je me lève de mon rocher plat et mes écailles se changent aux couleurs du sable et de l’environnement. Je ne veux pas risquer une rencontre avec ses grands dragons souffleur de feu au caractère mauvais… « Cauchemar monstrueux » qu’ils appellent ça, les humains.

Je pars à la recherche de ce qui cause une telle odeur, je ne peux pas rester dans l’inconnu comme ça, pas possible pour moi. Enfin, je vois la raison de cette odeur de sang. Au bord de l’eau salée, un humain s’occupe d’une petite carcasse. Ma curiosité me pousse à aller jusqu’à quelques mètres d’elles, afin de savoir ce que cet humain fait.

Il s’agit d’une carcasse de rongeur, quelle idée de manger de la viande comme ça. C’est bien meilleur le poisson ! A en juger la crinière et la forme du corps, c’est un humain femelle. Une idée me vient, celle qui me vient à chaque fois que je vois un de ses êtres bipèdes… lui jouer des tours. Je m’avance un peu plus près, aussi silencieuse que ma propre ombre. Je réalise quelque chose. Mon ombre ! Elle va voir mon ombre si je commence à la taquiner ! Je recule, le sable couvrant totalement mes bruits de pas. Me voilà à l’ombre de la falaise, parfait pour la planque, mais comment l’attirer jusqu’à moi ? Faire du bruit… mauvaise idée, elle a des lames en métal et elle pourrait le lancer directement en direction du bruit… Je ne suis pas si loin d’elle en plus, c’est agaçant.

Je finis par trouver une idée. Je bouge l’un de mes tentacules en sa direction, avance un peu, et viens lui chatouiller une seconde sa joue droite, et recommence pour être sûre qu’elle va bouger puis ramène à grande vitesse mon tentacule vers moi. Je suis camouflée et à l’ombre. Je me retiens de rire et regarde ses réactions. C’est trop amusant de les voir chercher et se tourner, les titiller et les taquiner pour au final se montrer.

Du bout des doigts, Keelan tourna un peu la broche pour orienter le bout de lapin, afin qu'il se réchauffe partout à la même température. Après avoir stabilisé la viande dans la position qu'elle voulait, la jeune fille retourna à l'épluchage de ses petits poissons. Elle en avait pêché une demi douzaine, et malgré leur taille moyenne, il n'y avait pas grand chose à manger dessus pour un humain.

Mais elle les préparait quand même, ils feraient un excellent complément pour ses restes de lièvre. Sortant quelques baies de son sac, Keelan les écrasa au dessus de ce dernier, qui prit momentanément une teinte plus sombre, teinté d'un joyeux rouge aux légers reflets roses. Puis elle sorti des plantes séchées, notamment du thym, qu'elle frotta au dessus de la préparation pour donner du goût.

Une fois ces petits ingrédients rajoutés, elle se leva pour se rincer les mains au bord de l'eau, avant de retourner finir d'écailler son troisième poisson.

C'est à ce moment là qu'un frisson lui parcouru la joue. Une fois. Deux fois. Quelque chose qui l'avait chatouillé, et qui l'avait tellement surprise qu'elle avait non seulement sursauté, mais également eu des frissons sur une bonne moitié du visage. Ils montèrent même dans ses épaules, pour descendre le long de son dos et de sa colonne vertébrale.

Keelan s'ébroua, avant de se frotter la joue du dos de la main, seule partie qui n'était pas poisseuse d'écailles. Etait-ce le vent qui l'avait ainsi chatouillé ? Une mèche de cheveux rebelle, qui se serait détachée pour lui tomber sur le visage ? Face à cette seconde hypothèse, la jeune fille secoua la tête pour voir si tel était le cas. Mais aucun cheveux ne sortit de sa natte pour lui barrer son champs de vision. Ce n'était pas ça...

A tout hasard, la jeune fille couvrit la plage d'un regard suspicieux. Elle se faisait certainement des histoires, mais on n'était jamais trop prudent...

Evidemment, il n'y avait rien ni personne dans les environs. Peut-être avait-elle rêvé ? C'était bien possible, après tout elle avait dormi dehors, et n'avait pas passé la meilleure des nuits : la fatigue pouvait aisément lui jouer des tours.

L’humaine est secouée de frisson, agite la tête regarde partout autour d’elle et son air de visage indique qu’elle se demande largement ce qui vient de se passer, elle doit tellement se poser de question. J’attends qu’elle me tourne le dos pour avancer un peu.

Qu’est-ce que ça sent bon ce qu’elle fait. Ça me donne faim ! Je ne savais pas que le feu donnait à la viande autant de parfum appétissant. Je comprends mieux que les cracheurs de flammes adore brûler leurs proie. Elle a ajouté de l’herbe dessus, sûrement un truc d’humain, et ça emplie mes narines de bonnes odeurs qui laisse présager un repas appétissant. J’aimerai bien lui chaparder son repas, ça serai le clou du bon moment… mais, je ne le ferai pas. Je ne vole que très rarement, ça apporte plein de mauvaises choses et puis j’aime manger ce que je pêche, ce que je cueille, ce que je chasse. J’ai déjà entendu des histoires quand j’étais dans mon clan, d’humain qui fourre des choses dans la nourriture et qui nous empoisonne… sans parler de ses affreuses fleurs dont le parfum nous rend malade ! Peut-être elle aussi est-elle de ses humains. Mais ce qui me confirme qu’elle au , au moins, aucune de ses fleures, c’est son odeur à elle.

Elle sent le bois et la mousse dans sa chevelure, agrémenté d’une odeur apaisante de la terre fraiche de la forêt sur ses vêtements. Elle sent la sueur aussi, mais pour un être à peau et à poil c’est normal. Je papillonne des yeux et reviens sur terre. J’ai envie de reprendre les taquineries maintenant.

Doucement, j’approche ma cible, je dois y aller sans un bruit pour être au plus près. Sauf que toutes ses odeurs me font éternuer un grand coup alors que j’étais si proche du but. Tant pis, je fais directement le final de ma farce ! Je la pousse du bout des naseaux sur le sable et recule, pour reprendre mes couleurs et la regarder en riant. Elle est couverte de sable et ses mains, mouillées et graisseuses d’avoir touché aux poissons, sont complètements recouvertes de sable désormais. Je la regarde, debout sur mes pattes et prête à fuir au cas où elle cherchera à me pourchasser suite à cette petite blague.

Keelan resta vigilante pendant encore quelques minutes, au cas où. La jeune fille n'était pas du genre paranoïaque, mais il fallait bien qu'elle garde une attention plus conséquente que la moyenne pour pallier à sa fatigue. Certains étaient morts pour moins que ça.

Et finalement, tout resta calme. La viking se détendit un peu, plutôt soulagée que ce soit son esprit qui lui joue des tours. Ses muscles tendus se relâchèrent progressivement, alors qu'elle se concentrait d'avantage sur son poisson.

Mais, c'est à cet instant précis qu'elle entendit un éternuement tout proche d'elle. Keelan eut un énorme sursaut, elle qui avait regardé tout autour d'elle quelques secondes plus tôt. Alors qu'elle se retournait pour voir d'où venait précisément le bruit, et surtout pour savoir qui c'était, la jeune fille vit un éclair rouge passer dans son champs de vision avant que tout bascule.

Quelques secondes plus tard, elle réalisa qu'elle était vautrée dans le sable. Mais genre bien comme il faut, ses mains humides de poissons étaient complètement recouvertes de grains. Quant à son poisson, il était dans le même état, si bien qu'elle ne le retrouva pas tout de suite lorsqu'elle le chercha du regard.

Passé ce petit moment de surprise, la jeune fille se releva d'un bon, son couteau qu'elle tenait toujours fit un looping dans sa main pour passer en position de poignard. Keelan se retourna, prête à parer la prochaine attaque.

Sauf que cette dernière n'arriva pas. Et que ce n'était pas un humain qui lui avait joué ce tour comme elle s'y attendait, mais un dragon... Et un Aile de la Mort, si elle reconnaissait bien les espèces de lianes qui paraissaient sur la tête de l'animal. Keelan venait de comprendre pourquoi elle n'avait rien pu voir: ces dragons étaient spécialisés dans l'art du camouflage, et pouvaient changer de couleur à loisir.

La jeune fille replongea quelques secondes dans ses mémoires, lorsqu'elle était encore à son village natal. Pour l'un de ses anniversaires, son père lui avait offert une cape fait d'une mue de l'un de ces dragons.... Cape qui lui avait d'ailleurs beaucoup servi lorsqu'elle avait fugué de chez elle pour s'enfuir avec son ami dragon. Et dire qu'il y en avait un vrai en face d'elle...

D'ailleurs. Keelan se rappela soudain la présence de ce dragon, et revint sur le qui-vive. Elle l'observa dans un premier temps sans bouger, pour ne pas l'effaroucher. A son attitude, le reptile sauvage ne semblait pas agressif. Au contraire même, il était en position défensive, comme s'il craignait une réplique de la part de la viking.

Keelan comprit qu'elle avait affaire à un farceur. S'il avait juste agi par intérêt, il lui aurait déjà volé son repas et ses poissons.
"Bonjour, toi..."

Elle tient sa lame comme une arme, je ne bouge pas mais reste prête à fuir. Je fais bien de ne pas bouger, elle se calme, tout doucement elle abaisse son arme que je ne quitte pas des yeux. Je ne veux pas risquer une ruse de sa part.

- bonjour, toi …

Je ne bouge pas, mon regard alterne entre sa lame et son regard. Elle ne semble pas vouloir me faire de mal, mais comment en être sûre. Pour le moment, je me détends un peu. Juste un peu. Et reste sans bouger de ma place.

Un bruit venant de mon ventre accompagné d’une petite douleur à mon estomac m’indique que j’ai faim. Et cette odeur délicieuse n’arrange rien. Je me déplace en avançant de côté, m’assurant de garder l’humain femelle dans mon champs de vision, direction la façade rocheuse. J’ai bien l’intension de m’éloigner de ce parfum de viande cuite et surtout être en meilleur position car le soleil m’aveugle un peu. Cependant, plus que ma petite faim et le soleil, ma curiosité me taraude. Je ne bouge plus une fois dans l’ombre de la falaise, mais reste sans user de mes écailles.

- tu vas baisser ta lame quand…

Je finis par me décider à faire quelques pas vers elle, doucement, essayant tant bien que mal de lui faire comprendre que je ne veux pas lui faire du mal. Elle est intrigante cette bipède… Et puis elle est toute sale, je m’en veux un peu. Je suis à deux mètres d’elle. Je ne la sens pas mauvaise, au contraire. Je la renifle un peu, et pointe du museau son couteau, avant de la regarder dans les yeux.

- baisse ton arme… je veux pas te faire de mal moi …

Allez savoir si elle comprend ce que je dis, ça arrive que des humains comprennent le langage dragon, au moins par les gestes. Je ne bouge pas et reste à deux mètres d’elle. Je ne sais pas si je dois fuir ou rester, ça peut être une ruse ou je ne sais quoi. Je me souviens de ce que me disais mon frère de couvée : « fais pas trop confiance à ses êtres sur deux pattes, ils vont finir par t’emprisonner ou te tuer ! » Il doit avoir raison, certains des leurs doivent être ainsi. Sauf que, comme il y a des dragons prudents et des trop curieux, je me vise toute seule, il doit bien y avoir chez eux des humains sympathiques comme des humains agressifs. Et J’en ai fais l’expérience d’ailleurs, avec mes blagues et mes farces. Je pense que celle-ci fait partie des sympathiques. J’en aurai la preuve si elle lâche son arme ou au moins la range. Si elle le fait, une chose est sûre, je m’allongerai sur le sable pour affirmer ma non intention de lui nuire.

Le dragon en face d'elle restait parfaitement immobile. Bon, au moins il ne cherchait ni à attaquer, ni à voler son repas. Mais il ne fuyait pas non plus, aussi Keelan se demandait ce qu'il faisait. Attendait-il quelque chose de sa part ? Venait-il quémander à manger ? Ou était-il juste trop curieux pour partir ?

La jeune fille remarqua que le regard du dragon oscillait entre son couteau et elle. Ah, elle savait ce que c'était. En même temps, la viking le brandissait aussi comme quelque chose de dangereux - une arme en somme - donc ça devait certainement lui mettre la puce à l'oreille.

Pourtant, la jeune fille ne la baissa pas tout de suite. Déjà parce qu'elle avait mis du temps à s’apercevoir des allers-retours que faisait le regard du dragon, mais aussi parce qu'elle se demandait si ce dernier voulait qu'elle ne le menace plus. Et d'un coup, le dragon se mit à bouger, pour aller dans l'ombre, sans jamais avoir quitté Keelan du regard. Il était farouche, ou alors très prudent.

Il commença d'ailleurs à avancer de quelques pas vers elle. Comme un prédateur sûr de sa prise, mais le regard agressif en moins. Juste... Curieux et méfiant.

Alors que le dragon s'arrêtait à une distance correct de la jeune fille, Keelan décida de se redresser et de baisser enfin son bras, décidant de lui faire confiance. Mais elle restait prudente, tous ses réflexes étaient en alerte. Avec de longs mouvements lents pour ne pas brusquer le dragon, elle commença à enlever le sable qu'elle avait sur elle, avant d'aller en direction de l'eau pour rincer son couteau, qu'elle rengaina enfin, et ses mains toutes poisseuses d'un mélange d’écailles, d’entrailles de poissons, et de sable.

Bien sûr, à l'instar du dragon, elle avait fait tout ça sans le quitter des yeux. Puis, lorsqu'elle finit de s'essuyer ses mains sur son pantalon, Keelan se retourna complètement vers lui.
"Qu'est ce que tu viens faire ici ?"

Elle s'approcha de deux pas, avant de s'accroupir pour se mettre à la hauteur du dragon qui était plaqué au sol. Puis, dans un réflexe emprunté à son ancien ami dragon, elle pencha la tête sur le côté comme un petit chat curieux.

Elle bouge, je me dresse sur bien sur mes pattes à nouveau, mais elle ne fait qu’aller de laver les pattes avant et sa lame. Elle aussi ne me quitte pas du regard, prudente. Je me détends à nouveau lorsqu’elle range cette chose qui aurait pu me blesser, et m’allonge sur le sable, rassurée. Elle revient vers moi. Elle aussi est curieuse ? Elle aussi veut me connaitre ?

- "Qu'est ce que tu viens faire ici ?"
– et toi alors ?

Elle se rapproche à nouveau, s’abaisse en pliant ses genoux pour rester telle une grenouille face à moi, et penche sa tête sur le côté. Je souffle par les naseaux, amusée : à faire cela elle ressemble à un de nos petits curieux de découvrir qu’il y en a plein comme lui en plus grand. Une lueur de coquinerie passe dans mon regard. J’ai envie de la taquiner un peu plus puisqu’elle est gentille.

Je la pousse du bout du nez pour qu’elle atterrisse fesses contre le sol, et rigole à nouveau. Je l’aime bien cette humaine, elle est rigolote. Je secoue la tête pour retirer les grains de sable qui me gène sur mes écailles du nez et la regarde.

Je me lève à nouveau et n’hésite pas. Je pose mon museau sur son ventre, en lui jetant un regard tendre et amical, l’invitant à s’attacher à moi pour que je puisse l’aider à se relever. Une fois qu’elle comprend, qu’elle enroule ses bras, le relève ma tête afin de la remettre debout. Contente, je recule et m’allonge à nouveau sur le sable, tête posée contre le sol. Je ne sais pas du tout pourquoi je reste, mais je le fais. Mon instinct me dit « aucun danger » alors pourquoi fuir ?

Je la regarde faire ce qu’elle veut, acceptant nonchalamment toute caresse qu’elle souhaiterait me donner, je suis fortement câline et elle m’inspire confiance. Elle fait ses choses avec son poisson, et mon ventre forme à nouveau ce gargouillis, en plus bruyant. Je soupire par les naseaux un grand coup. Il me faut manger… Je me lève et avance vers la mer, allant doucement dans l’eau fraiche et salée, jusqu’à ce que l’eau touche mes épaules et ne bouge plus, attendant la venue de poisson appétissant. Grâce à mes réflexes, facile ! Bien vite, j’ai un beau poisson dans la gueule, que je ramène fièrement sur terre. Je m’installe sur le sable chaud, et le mange.

La position de la jeune fille semblait amuser le dragon, car Keelan cru déceler une lueur d'amusement danser dans les yeux reptiliens de l'animal. Peut-être qu'il venait de comprendre qu'elle n'était pas hostile à son égard, mais simplement curieuse. Ou alors était-ce parce qu'elle avait adopté un comportement de l'un de ses semblables ?

Car cela lui arrivait régulièrement et ce même sans qu'elle s'en rende compte. Elle avait vécu seule dans la nature avec pour seule compagnie Nahualt, son terreur terrible domestique, et Kuro, son ami Ecrevasse qu'elle avait sauvé de la convoitise de son village. Forcément, ça avait laissé des traces, même si elle avait désormais rejoint un nouveau village peuplé d'humains.

Le dragon en face d'elle fit un mouvement qui la fit de nouveau revenir à la réalité: il venait de la pousser à l'aide du bout de son nez, lui faisant perdre l'équilibre. Keelan essaya de faire des moulinets avec ses bras, plus par réflexe que pour vraiment se stabiliser. Finalement, elle finit sur les fesses, récoltant un gloussement de la part du dragon, qui ressemblait plutôt à un rire moqueur.

D'accord, elle avait affaire à un petit farceur. D'ailleurs, ce dernier se leva pour s'ébrouer, soulevant un léger nuage de sable, avant d'aller se rapprocher d'elle... Et de poser sa longue tête sur le ventre de la jeune fille.

Sur le coup, Keelan eut le souffle coupé par la surprise. Qu'est-ce que ce dragon était en train de fabriquer ? Croisant son regard, la jeune fille comprit qu'il désirait la relever. Joueur, mais bienveillant l'animal. S'agrippant avec ses bras autour de l'imposante mâchoire du dragon, elle le laissa la remette debout. Keelan eut un sourire, amusée par l'attitude de ce dernier.
"Merci... "

Elle le regarda se remettre debout pour aller dans l'eau, l'observant sans comprendre... Jusqu'à ce qu'il plonge la tête pour capturer un gros poisson. Il avait donc faim ! Cette constatation rappela à la jeune fille son propre repas. Elle se tourna vers son lapin, et s'assit vivement à côté, sur la pierre plate dont elle s'était servie comme siège tout à l'heure.

D'une main, elle retira le gibier du feu, le jugeant à point, et ressorti son couteau en lançant un regard au dragon qui avait rejoint la berge pour dévorer sa prise.
"Ne t'en fais pas, je ne l'utiliserai que pour manger"

Keelan avait déclaré en lui désignant sa lame, pour le rassurer de son utilisation. Puis elle commença à entailler le lapin pour se couper des morceaux qu'elle mangeait avec appétit. Découpant un morceau au niveau de la patte avant, elle le tendit au dragon.
"Tu veux goûter ?"

Il était gentil, et très curieux, alors pouvoir ne pas partager son repas avec lui ? Surtout que ce morceau qu'elle lui tendait avait un os facilement brisable pour un dragon, offrant un peu de croquant, alors qu'un humain aurait forcément laissé de la viande dessus.

Elle aussi se prépare à manger, mais voilà qu’elle sort sa lame. Je cesse de bouger pour la fixer… mais non, elle semble s’occuper de sa viande, la découpant avec la lame.

– Ne t’en fais pas, je ne l’utiliserai que pour manger

Je pense comprendre, donc je m’affaire a avaler la première moitié de mon poisson. Quelques minutes passent, j’ai finis mon poisson et m’apprête à aller en pêcher un autre quand elle m’interpelle. Je tourne la tête vers l’humaine. Elle est en train de me tendre un bout se nourriture, une patte provenant du rongeur.

– Tu veux gouter ?

Je penche la tête sur le côté, sur le moment je ne comprends pas. Elle veut … m’offrir de sa nourriture ? Elle n’est pas obligée, je sais pêcher. Je me dresse sur mes pattes et m’avance vers elle. Pourtant, je sens dans ce geste une invitation amicale. Je prends entre mes crocs la viande quelle me tends et… PAS MES CORNES ! Qu’est-ce que c’est BON ! Je mâche bien l’os et avale le tout, ronronnant de plaisir. Jamais je n’ai mangé une viande aussi bonne ! Mes lianes en frissonnent dans un petit bruit de feuillage au vent. Je ne peux pas ne rien lui donner en retour. Je m’éclipse, escalade la façade et lance un petit cris à son attention.

- merci, attends ici !

Je sais bien qu’on ne parle pas la même langue, mais elle a semblée comprendre tout à l’heure… peut-être cette fois encore ? Je cours entre les feuillages et finit par retrouver le fameux petit lac, dont les poissons sont gros et fort en gout. Il y a un banc entier plus vers le centre. Je prends mon envole et use de mes écailles de camouflage, attendant le bon moment pour en attraper un, qui sera digne du cadeau que l’humaine m’a fait. Quand on me fait un cadeau, j’aime rendre la pareille. J’en attrape un, non pas assez brillant. Et celui-là est petit. Beurk, il semble malade celui-là. Je vais bien finir par trouver.

Plusieurs minutes se sont écoulées depuis le moment où je suis partie et celui où je reviens au bord de la falaise, avec entre mes crocs une belle prise : une truite grosse comme ma gueule et brillante sous le soleil. Je ne sers pas trop afin de ne pas abimer les écailles de mon cadeau. Je descends le long de la façade rocheuse et la cherche du regard. Je me suis trompée de plage ? Où alors elle partie ? Je ne la vois pas. Je marche le long du rivage, tentant de me repérer, et la cherchant du regard. LA ! Elle est là ! Je cours jusqu’à elle, dans le but de lui offrir ce beau poisson.

Après un moment d'hésitation, le dragon prit le morceau de viande, et le goba, avant de le mâcher avec application. Keelan pouvait entendre l'os croustiller sous les dents puissantes du reptile. Ce dernier sembla beaucoup apprécier le petit bout de lapin, car il émit un long son grave qui se rapprochait beaucoup d'un ronronnement. La comparaison était d'autant plus pertinente qu'il affichait un regard vraiment satisfait.

Alors pourquoi s'en était-il allé quelques instants plus tard ? Il avait déployé ses ailes et était parti en direction de la forêt, après avoir grimpé les falaises avec une agilité déconcertante.

L'humaine l'avait regardé disparaître dans la nature, avant de retourner finir son repas. Elle rongea les os pour les nettoyer de toutes trace de viande restante, avant de faire un trou dans le sable pour y mettre tout ce qu'elle n'avait pas pu manger, et de recouvrir le tout pour enterrer.

Puis elle démonta son campement et éteignit son feu. Ses poissons vidés, elle les avait enroulés dans du tissus et rangés dans sa besace ; ils seraient son casse-croûte ou son repas de ce soir.

Elle venait de finir de faire place nette lorsqu'elle entendit un bruit de course et se retourna, voyant l'Aile de la mort de tout à l'heure revenir vers elle avec une magnifique truite. La jeune fille comprit très vite qu'il venait de lui offrir cette belle prise. Prenant le gros poisson à deux mains, elle mit un genou à terre pour pouvoir le tenir d'une seule main, et tendit l'autre vers le dragon pour le laisser la renifler.
"Merci beaucoup mon grand, il est très beau !"

Plus que les paroles pour se faire comprendre, Keelan accompagna sa phrase par un énorme sourire reconnaissant et honoré.

Elle accepte mon cadeau ! Je suis heureuse de voir ça. Sa main se tend vers moi, je recule d’un pas par reflexe.

"Merci beaucoup mon grand, il est très beau !"

Et elle reste sa main tendue vers moi. Je me détends, elle cherche juste à me faire une caresse. Je m’avance et pose mon museau contre le plat de sa main, ronronnant de plaisir quand elle me fait une petite caresse sur les naseaux. Lorsqu’elle veut retirer sa main, j’avance mes naseaux et quémande encore des caresses.

Une idée sauvage apparait dans mon esprit. Je penche vivement ma tête et attrape son sac dans ma gueule pour reculer et lui montrer ma prise. Je grogne joyeusement et commence à reculer, puis à courir. Bien sûre, je ne vais pas à pleine vitesse, juste pour jouer avec l’humaine. Il faudra aussi que je trouve un moyen de lui faire comprendre que je ne suis pas un mâle… non parce que … « mon grand » ou autre, c’est pas terrible.

Dès qu’elle approche trop près, j’éloigne le sac d’elle, je cours en rond, vers la mer pour l’éclabousser en courant et sautant dans l’eau, puis revient sur la plage.

En face d'elle, le dragon eut un mouvement de recul, confirmant à Keelan sa supposition première: bien que très curieux, ce dragon n'était pas habitué à l'homme. Il renifla sa main, et d'un coup de nez se colla contre sa paume. Keelan frémit au contact.

Lorsqu'elle retira sa main, le dragon suivit le mouvement, manifestant le souhait de poursuivre la caresse. Souriant, elle commença a masser entre les naseaux de l'animal, comme pour le grattouiller.

Il bougea la tête d'un coup, et Keelan le vit chopper sa sacoche qu'elle avait posé par terre juste à côté de la truite pêchée par le dragon.

L'Aile de la mort tira dessus pour le mettre hors de portée de la jeune fille, avant de le prendre délicatement entre les dents et se courir avec.
"Hé ! Rends moi ça, j'en ai besoin !"

Keelan se releva d'un bond, tant pis pour le mouvement brusque, et se mit à courir après le reptile rouge, cherchant à récupérer son bien. Lui s'amusait comme un fou, la narguant en la laissant approcher avant de feinter et de repartir dans l'autre sens, ou en levant simplement la tête, mettant ainsi son butin hors de portée de l'humaine.

Sans s'en rendre compte, Keelan finit dans l'eau avec le dragon, faisant des petits grognements parfois provocateurs, parfois mécontents. Des fois, elle éclaboussait le dragon avec ses mains. Elle avait bien compris qu'il la taquinait pour jouer avec elle.

A un moment, Keelan décida de plonger pour se cacher de la surface et approcher le reptile plus facilement. Puis, se jugeant assez proche, elle bondit hors de l'eau et s'agrippa au cou de l'Aile de la Mort, sans trop serrer toute fois, et se retrouva pendue à l'envers, dans une position peu glorieuse au dessus de l'eau.
"Je te tiens !"

Nous courrons encore et encore et soudain elle disparait. Je regarde autour de moi, la cherchant du regard. Mais où était-elle passée ? Je marche dans l’eau, prudente. Elle surgit brusquement, trempée comme un poisson, hors de l’eau et s’accroche à mon cou.

Un moment de nostalgie me vient à l’esprit. Quand j’étais encore dans mon clan, et que je jouais avec mes petits frères et sœurs, des couvées des autres années après ma naissance, des œufs pondus par ma mère. Nous allions souvent jouer près de l’eau, notamment par les beaux temps comme celui-ci, et combien de fois ont se jouaient des tours aux uns et aux autres…

Je soupire, heureuse et m’allonge dans l’eau, ce qui lui laisse uniquement la tête hors de l’eau, et garde la sacoche dans ma mâchoire. Je l’aime beaucoup cette humaine. Elle agit comme nous autres dragons, elle semble me comprendre, oui, elle est comme en harmonie avec nous. Je me redresse et, la gardant accrochée à mon coup, revient sur la plage pour poser son sac sur le sable doux et chaud.

J’attends qu’elle lâche mon cou pour venir frotter ma joue d’écailles contre sa joue de peau en ronronnant, m’ébroue, m’étire un grand coup, et m’allonge sur le sable encore chaud. Mon regard pointe vers l’horizon de la mer et je peux dire que cela fait des heures que nous sommes là. Depuis mon arrivée sur la plage en début d’après-midi, nous voilà en fin de soirée. Je soupire un grand coup et me prélace, me laisse rouler sur le dos, et regarde le ciel bleu sombre… Une couleur proche du crépuscule.

Je ferme les yeux et me secoue un peu, restant sur le dos. Je me sens relaxée, détendue, heureuse. Et tout ceci grâce à cette rencontre fortuite. Jamais je n’avais autant jouée avec un être humain. Elle a du rencontrer d’autres des miens auparavant. Peut-être, tout comme ses humains dans le regroupement un peu plus loin, a-t-elle un ami dragon. Un jour, oui un jour, j’irai dans ce village humain. Au moins une fois avant d’aller chercher un vrai groupe, un autre clan que celui de mon enfance. Je la regarde.

Le dragon aurait pu réagir avec beaucoup de violence. Effrayés, ces animaux-là étaient capable de toutes sortes de réactions, y compris les pires. Et surtout lorsqu'ils étaient en présence de quelqu'un qu'ils ne connaissaient pas. Enfin, c'était surtout valable pour les dragons farouches et méfiants, et finalement, ce n'était pas le cas de cette Aile de la Mort.

Après s'être amusé à avoir plongé dans l'eau la jeune fille, le reptile se remit debout pour sortir et l'emmener sur la berge. On aurait limite dit que d'avoir une humaine pendue à son cou ne la dérangeait pas plus que ça.

Lorsqu'il s'arrêta, Keelan en profita d'ailleurs pour lâcher prise, et vit que c'était ce qu'attendait le dragon, qui posa un instant sa joue contre la sienne avant de s'étendre dans le sable, puis de se mettre sur le dos.
"Oh, mais tu étais une femelle depuis tout ce temps !"

Keelan, qui observait le dragon se prélasser au soleil, venait tout juste de s'en rendre compte. Pourquoi était-elle partie du postulat que ce soit un mâle ? Là pour le coup elle se sentait carrément idiote, car maintenant qu'elle regardait le reptile, ça tombait sous le sens qu'il s'agisse d'une dragonne.

Elle enleva son tee-shirt pour l'essorer un peu avant de le remettre, histoire qu'il sèche un peu plus vite, et fit de même avec son pantalon, laissant ses chaussures près de la grosse truite que lui avait apporté le dragon- la dragonne.

Puis la jeune humaine rejoignit cette dernière.
"Je peux m'asseoir à côté de toi ?"

Tout en parlant, elle se désigna elle-même, puis un endroit à côté de l'Aile de la Mort du doigt. En attendant la réponse du reptile, Keelan se mit à regarder l'horizon, et remarqua qu'il faisait presque nuit. Elle n'aurait jamais le temps pour rentrez chez elle avant qu'il fasse tout noir, et allait devoir attendre le lendemain une nouvelle fois.
"Bon... Je dors dehors cette nuit..." fit-elle pour elle même.

- Oh, mais tu étais une femelle depuis tout ce temps !
– et bien oui, humaine !

Je gigote un peu pour que les grains de sables viennent me gratter les écailles du dos. Ce sont les derniers rayons du soleil, alors j’en profite bien. Elle me fixe et semble réfléchir, sûrement à mon sujet. Enfin elle a vu que je n’étais pas un mâle, une belle avancée. Elle retire ses choses… comment ça s’appelle déjà… « Habits »... « Vêtement »… je crois que c’est ça. Elle semble bien plus à l’aise comme ça. J’ai compris à force d’en voir que les « vêtements » sont une protection pour eux contre le froid, les attaques et qu’ils s’en servent aussi comme parure. J’ai déjà vu des dragons porter des parures que leurs amis humains leurs ont mis, dans des sortes de gros rassemblement joyeux, avec de la terre humide, fluide et colorée sur les écailles… ils appellent cela « peinture », c’est rapide et simple de mettre un seul mot sur cette chose qui ne sent pas très bon.

Elle s’approche de moi. Je la fixe.

– Je peux m’assoir à côté de toi ?

Je réfléchis. On c’est pas mal amusée aujourd’hui l’humaine et moi. Comme si on se connaissait depuis longtemps, alors qu’on vient de se rencontrer. Je me roule un peu sur le sable, doucement, afin de finir sur le ventre et lui fait signe de la tête de s’installer à sa guise à mes côtés. L’humain femelle au parfum de forêt regarde le ciel, elle voit aussi que le ciel noir emplie d’étincelles approche.

– Bon … Je dors dehors cette nuit…

Elle semble assez dépitée en disant cela. J’essaie d’analyser selon ce que j’ai compris. Les seuls humains que j’ai croisés sur cette île viennent du clan qui c’est installé en coin de falaise. Dormir… dehors… donc elle souhaite dormir ici ? En même temps elle semble montrer une sorte d’ennuie. Comme quand moi je me coince une corne pour la cinquième fois dans ce même fiche embranchement près du lac où je me suis en quelque sorte installée.

Une chose étonnante cependant : elle est fort de loin de son regroupement si elle y vit. C’est de l’autre côté de la forêt. Une idée me vient en tête, mais c’est pas très plaisant. Je n’aime pas trop l’idée d’un humain sur mon dos, mais en même temps elle est vraiment gentille… et elle a même partagée sa nourriture avec moi. Bon, aller. Je le fais.

Je me lève et la pousse doucement du bout du museau, va vers ses affaires que je bouscule un peu, puis la regarde et lui lance un petit grognement pressé.

–aller humaine, viens, je t’emmène à ton clan.

Je m’abaisse un peu et lui montre mon dos. Va-t-elle me comprendre ?

Keelan la vit lui faire de la place, et s'assit à côté de la dragonne, lui passant la main sur le flanc en guise de caresse de remerciement. Puis elle se mit à contempler l'océan qui commençait à peine à se teinter des douces couleurs flamboyantes que qui donnait le soleil couchant. L'astre semblait se noyer dans l'horizon de la mer, diffusant ainsi ses dernières couleurs de la journée aux creux des vagues qui animaient la surface de l'eau.

C'était beau, et la jeune humaine pouvait regarder ce spectacle pendant des heures. Mais c'était sans compter la dragonne, qui se leva et s'étira. La jeune fille n'avait alors pas tourné la tête, regardant toujours le large, jusqu'à ce qu'elle sente une petite bourrade. Se retournant, elle vit le reptile s'approcher de ses affaires, laissés plus loin sur la plage, avant de la regarder elle, et de se désigner aussi.

En rigolant devant la détermination de cette dernière, Keelan se releva et la rejoignit.
"Tu as faim ?"

Oui, parce que la viking avait cru que la dragonne les avait désignées toutes les deux, plus le poisson. Elles pouvaient le manger cru, vu sa qualité.
"On se partage la belle truite que tu m'as offerte ?"

Sur cette proposition, Keelan pencha la tête sur le côté, comme elle avait fait plus tôt. Pas un moment la possibilité que l'Aile de la Mort l'invite à autre chose qu'à manger n'effleura l'esprit de la jeune fille. En même temps, elle aurait du mal à se voir voyager avec un gros poisson comme ça dans les mains.

Je jette un œil à l’horizon, la nuit arrive à grand pas. De plus , il n’y a qu’un croissant de lune ce soir donc je risque de ne pas voir grand-chose en volant. Elle me montre la truite.

– tu as faim ?

Je secoue la tête de gauche à droite en soupirant.

- On se partage la belle truite que tu m’as offerte ?

Elle rit devant mes gesticulations, non elle ne comprend pas. Je soupire, m’assois et réfléchis. Je suppose que je n’ai pas le choix. Je m’avance et prend son sac dans ma gueule pour le mettre sur mon dos. Puis j’agite mes ailes frénétiquement. Si elle ne comprend pas là… je ne vais tout de même pas la kidnapper et la forcer à voler avec moi ?! … si ?

- aller, grimpe sur mon dos ! ce n’est pourtant pas compliquer à saisir ! voler, toi sur moi et hop ! je veux te mener à ton claann !

A force de m’agiter partout, je me rends compte que je suis dans les airs, à deux mètres du sol. Je me pose, respire doucement et me calme. Je veux juste… l’aider. Faire en sorte qu’elle soit chez elle. Je garde bien son sac sur le dos, saisit le poisson et le mets aussi sur mon dos. Puis je m’abaisse à nouveau, à ses côtés, et fais un signe de la tête , de elle vers mon dos.

Ah non, ce n'était pas ça du tout que la dragonne voulait lui dire. Pour le coup, Keelan se sentit bien bête. Se tapant le front comme si elle avait loupé l'évident (ce qui était peut-être le cas, tout compte fait), elle s'excusa.
"Pardon, je n'avais pas compris..."

Et puis, c'était plutôt rare qu'un dragon sauvage invite un humain à voler sur son dos quelques heures seulement après leur rencontre.... Cette femelle devait être sacrément en confiance pour proposer une idée pareille.

Cette dernière semble pressée, mais pas stressée. Où voulait-elle l'emmener ? Voulait-elle lui faire découvrir un endroit avant que la nuit ne tombe, afin de profiter des dernières lueurs du jour ? Pas trop loin alors, car Keelan avait de la route à faire demain, et cette fois-ci, elle s'y prendrait plus tôt. Peut-être même que ça lui prendra toute la journée.
"D'accord, d'accord, calme-toi..."

L'humaine leva les paumes des mains en direction de la dragonne alors qu'elle se reposait au sol, trépignant d'impatience. Cette dernière chopa la belle truite des mains de Keelan d'un geste délicat mais néanmoins déterminé, et l'invita une nouvelle fois sur son dos.
"J'arrive."

Doucement, et surtout mise mal à l'aise par la tournure que prenaient les événements, la jeune fille s'approcha avec prudence de la dragonne, avant de s'installer maladroitement sur son dos. Elle prit la grosse truite et la fourra dans son sac, qu'elle passa en bandoulière pour le sécurisé en vue du vol imminent.
"C'est quand tu veux ma grande !"

Elle s’excuse, et s’avance vers moi. Elle semble beaucoup hésiter la jeune humaine, comme si cela l’étonne que je l’invite sur mon dos. J’ai déjà rencontré des humains, j’ai confiance en elle. Cette humaine me donne envie de l’aider, me donne envie de ne pas la laisser ainsi. Je souffle par les naseaux tandis qu’elle m’escalade et s’installe sur mon dos. Tant qu’elle gigote, je ne bouge pas.

Jamais un humain n’est monté sur mon dos, parce que jamais l’idée ne m’avait traversé l’esprit ou le leur. Et je sais pertinemment que beaucoup de mes congénères sont agressifs et méfiants, surtout envers les humains. Personnellement je les trouve amusant, intéressant, passionnant même ! Je suis dragonne de la Nature, mais je n’ai jamais considéré un être humain comme automatiquement ennemi. Combien de fois ma famille m’a dit « tu es trop naïve, ça te perdra ! » Ou encore « cesse de te comporter avec ceux que tu ne connait pas comme s’ils étaient tes amis de toujours ! Tu finiras par être blessé, voir pire ! » . Ils ont peut-être raison pour la généralité, mais pas pour cette fois.

– C’est quand tu veux, ma grande !

Je prends un peu d’élan, saute, déploie mes ailes et hop ! Décollage. Je m’élève dans les cieux qui ont prient la teinte du crépuscule.

– alors là haut, toujours accrochée ?

Je ris et m’élève encore un peu afin d’atteindre une hauteur de vole raisonnable. Alors, la lune est là… La plage, la forêt… c’est par ici ! Oui, c’est ça, le village est dans cette direction. Je vole donc en cette voix. Maintenant que je sais où je vais, je prends le temps de regarder le paysage.

Vue du ciel, tout devient plus beau et spectaculaire. La brise du soir apporte un mélange de parfum de fleur et d’embrun marin rafraichissant, le crépuscule offre une lueur mauve et sombre sur les feuilles des arbres et des buissons, le croissant de lune qui est désormais présent dans le ciel nocturne se reflète dans les différents points d’eau claire de l’île que nous survolons.

Je plonge un peu, prenant garde de ne pas la faire tomber, et fait un léger détour vers mon petit plan d’eau personnel, afin d’y jeter un œil, vérifier que aucun dragon ou autre prédateur n’est essayé de s’y installer, puis continue mon chemin vers le regroupement d’humains.

Ah, c'était gentil de la part de la dragonne d'avoir attendu qu'elle se positionne bien pour décoller. Car peut après que la jeune fille lui dise que c'était bon pour elle, la femelle se mit en mouvement et étendit ses ailes. En quelques instants elles étaient toutes les deux dans les airs.

Au début, surtout au moment de l'ascension, Keelan avait gardé ses mains autour de la dragonne. Mais lorsque cette dernière se redressa, conservant une altitude constante, la jeune fille se mit à se détendre. Elle avait oublié quelles sensations donnait un vol à dos de dragon. Le vent dans la figure, ce sentiment de liberté, et de se sentir vivant. Cela faisait tellement longtemps qu'elle n'avait pas vécu ça...

Se penchant tout doucement sur le côté pour ne pas déséquilibrer la dragonne, Keelan se mit à observer l'île d'en haut, avec une vue qu'elle n'avait jamais eu l'occasion d'avoir jusqu'alors. Survoler l'île de Berk en plein milieu de crépuscule, ou les dernières lumières brûlantes du soleil tentaient encore d'atteindre l'île, c'était magnifique.
"Merci pour tout..."

C'était bête à dire, mais Keelan était vraiment touchée par l'initiative de la dragonne. Cette dernière était très soigneuse dans son vol, car l'humaine sentait qu'elle calculait chacun de ses virages pour la secouer le moins possible. Elle lui fit une caresse au niveau de l'épaule, pleine de gratitude. Elles passèrent par des endroits cachés que la jeune fille ne connaissait pas, mais qu'elle trouva superbes.

Et soudain, elle comprit.

Ce n'était pas une simple balade que lui proposait la femelle rouge. Non, c'était bien plus grand que ça: la dragonne la ramenait chez elle. Et face à ce constat, lorsqu'elle vit les lumières du village viking apparaître devant elles, l'emplit d'une joie encore plus grande. Mais qui était-ce dragon ?

Venait-elle du village ? Etait-elle déjà la partenaire d'un viking ? Ou le connaissait-elle juste de vue en ayant déjà survolé l'île ? Ca pourrait être possible ; et comme il n'y avait qu'un seul village sur Berk, la reptile aurait donc fait directement le lien entre Keelan et ce dernier.
"Tu es incroyable..."